La pression démographique de plus en plus forte dans les pays du Sahel pousse les agropasteurs à grignoter les enclaves pastorales à des fins agricoles. Ce qui limite considérablement la disponibilité du pâturage pour les animaux. Ce phénomène, conjugué aux effets des changements climatiques, caractérisés par un manque d’eau et de pâturage, amène les éleveurs à parcourir de longues distances à la recherche de pâturage pour la survie de leurs troupeaux. Ces mouvements ne sont pas sans conséquence car ils occasionnent des conflits, souvent meurtriers, entre agriculteurs et éleveurs.
Ainsi, dans le cadre de l’amélioration de la transhumance au Sahel et grâce au financement du programme Wehubit de l’Agence belge de développement Enabel, Vétérinaires Sans Frontières - Belgique et Action contre la Faim - Espagne mettent en œuvre le projet SIT Sahel LAFIA au Burkina Faso, Mali et Niger, en direction de près de 500.000 pasteurs et agro-pasteurs. A travers les nouvelles technologies de l’information et de la communication, notamment les radios communautaires et un serveur vocal interactif* (NDLR: pour en savoir davantage sur le système de serveur vocal interactif, lisez la 1ère histoire de VSF), le projet vise à améliorer l’accès des éleveurs aux pâturages, à établir des itinéraires de transhumance, rechercher de l’eau et des pâturages pour les animaux, et d’éviter les éventuels obstacles et foyers de maladies. En outre, les données pastorales recueillies par le système donnent des indications sur la situation pastorale en temps réel, permettant d’anticiper les potentielles crises pastorales.
Les défis d'Alto face à la transhumance

En quoi consiste votre fonction de leader ?
En tant que représentant du chef de mon village, je recense les sollicitations des éleveurs que nous remontons auprès des autorités locales à travers la Fédération Nationale des Eleveurs du Niger (FNEN Daddo), pour une gestion concertée des espaces et des aménagements pastoraux. Ainsi, à travers la Fédération, nous procédons en générale à la promotion de l’élevage et en particulier à la défense des intérêts des éleveurs.
Quelles sont les difficultés rencontrées par les éleveurs de votre région ?
Les difficultés sont essentiellement liées au manque d’informations sur la disponibilité d’eau et du pâturage, l’accaparement des espaces pastoraux, en particulier les aires et couloirs de passage, à des fins agricoles ; et enfin l’insécurité armée qui prend de plus en plus d’ampleur dans la sous-région.
Que pensez-vous de la solution proposée par le projet SIT Sahel Lafia ?
Auparavant, il fallait envoyer un éclaireur à dos de chameau parcourir une distance de vingt à trente kilomètres pour s’enquérir de la situation pastorale et sécuritaire le long des parcours, avant de pouvoir partir en transhumance. Grâce au projet, notre accès aux informations pastorales s’est amélioré. En effet, nous n’avons plus besoin d’envoyer des éclaireurs, ni de parcourir de longues distances à pied avant de rebrousser chemin. Il nous suffit d’appeler sur le numéro fournit par le projet et d’écouter la radio pour avoir les informations pastorales (disponibilité du pâturage, de l’eau, sécurité, etc.). Ces informations nous permettent de faire la transhumance en toute quiétude.
Le rôle de Boubacar dans le projet SIT SAHEL

M. Boureima Boubacar, chef de service communal de l’Elevage de la commune de Sambéra, village basé à Ouna.
En tant qu’agent de service technique déconcentré, Monsieur Boubacar assure les soins de santé animale et donne des conseils en élevage aux éleveurs. Il est donc chargé de vulgariser certaines techniques et conduites d'élevage afin d'optimiser les productions animales. Il joue également un rôle important dans l'épidémio-surveillance** dans la Commune.
Quel est votre rôle dans le projet SIT SAHEL ?
Je joue le rôle de collecteur de données sur la situation pastorale de la Commune de Sambéra. La collecte de données se fait de visu sur le terrain mais aussi à travers des informations complémentaires recueillies auprès des éleveurs. En effet, une fois par décade, je sillonne l’enclave pastorale de « Karadjé » pour faire des relevés sur la situation du pâturage et de l’eau. Aussi, je discute avec les éleveurs présents dans l’enclave pour avoir leurs impressions sur la situation de l’aire de pâturage et recueillir les problèmes rencontrés tels que les cas d’épizooties (NDLR: épidémie qui touche les animaux) et de feux de brousse. Quant aux informations du marché, la collecte de données se fait chaque mercredi, qui est le jour d’animation du marché de la localité. A ce niveau aussi, je discute avec les acteurs (acheteurs, vendeurs et intermédiaires) du marché pour collecter les données sur les prix pratiqués.
Les informations pastorales collectées sur le terrain sont en lien avec notamment : (i) l’état d’avancement du pâturage aérien et les herbacés, de la germination à la levée jusqu’au stade final ; (ii) les prix des animaux et des céréales sur les marchés en particulier le mil et le maïs ; (iii) les termes de l’échange pour savoir si l’échange bétail-céréale est en faveur ou en défaveur de l’éleveur ; (iv) le remplissage/disponibilité en eau des mares et la crue du fleuve Niger ; (v) les cas d’incendies de brousse, de banditisme ou de vols de bétails.
La collecte des données se fait chaque décade à l’aide de téléphones smartphone reçus par le projet (y compris des crédits de communication pour mener à bien la mission dont nous avons été investis). Les données sont collectées à travers l’application Kobocollect et envoyées sur le serveur (OdkAggregate) à la Direction du Développement Pastorale sis au Ministère de l’élevage pour traitement. Ce service étatique, en collaboration avec les agents du projet, fournit des notes et des bulletins d’informations pastorales servant aux prises de décision.
Quels changements l’utilisation du téléphone vous a-t-il apporté dans le cadre du travail ?
L’utilisation des NTIC dans la collecte des données a amélioré ma communication avec la direction départementale et régionale de l’élevage ainsi que les partenaires à Niamey. En effet, « la transmission des données en format papier m’est difficile en ce sens que dans la localité de Ouna, il faut profiter du jour de marché (une fois par semaine) pour pouvoir envoyer les données à Dosso à travers un véhicule de transport. Mais, grâce au téléphone, la transmission des données est instantanée et se fait sans aucun problème ».
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