Au même titre que les hommes, 89%¹ des femmes ont accès à internet à Kayes au Mali. Ces chiffres sont porteurs d’espoir car le numérique favorise l’implication des femmes dans la politique. 

Mère divorcée de trente-neuf ans, Djouldé Seck est agricultrice et entrepreneuse. Malgré son parcours scolaire court (niveau primaire), Djouldé se sent à l’aise avec les outils informatiques et passe son temps libre à l’espace connecté de Kayes. Elle est aussi active dans un groupe WhatsApp Sugu Teliman (marché rapide), un groupe de vente en ligne ou l’on vend divers articles communément vendus au marché. 

Membre active du réseau mondial des jeunes innovateurs, Djouldé Seck est par ailleurs engagée dans la vie associative et politique et a pour ambition de motiver et inciter les jeunes à entreprendre et à s’engager en politique.  

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Echanges au sein de l'Espace Connecté des Kayes 2. Djouldé Seck est au centre. (© Ousmane Makaveli)

Pourquoi l’engagement citoyen est-il important pour vous ? 

Chaque jour, je vois des choses qui me déplaisent fortement.  Alors j’essaie d’apporter un changement. Quand on veut que les choses s’améliorent, il faut initier des actions pour apporter ce changement. 

Je déplore la cherté de la vie, les problèmes d’éducation des enfants, l’insuffisance de structures de santé adéquates, l’insalubrité et surtout la corruption généralisée. Alors j’essaie d’être un exemple et d’apporter des solutions, notamment en transmettant mon savoir et mes compétences aux femmes et aux jeunes filles. 

Pensez-vous que le numérique peut favoriser la participation des femmes au débat public ?

Aujourd’hui tout le monde a un téléphone, nous les utilisons pour communiquer. Mais c’est aussi devenu un outil de travail et de participation citoyenne. Le numérique nous mets au même stade d’information que les hommes.  Le progrès le plus remarquable aujourd’hui est que nous avons accès à l’information et que nous pouvons donner nos avis. C’était difficile avant. Quarante-huit femmes membres des organisations de la société civile (OSC) ont été formées par le projet sur les solutions numériques, le montage de projets citoyens digitaux et la planification. Elles doivent maintenant transmettre ces connaissances aux autres femmes membres de leur organisation. 

Nous avons beaucoup appris grâce à notre espace connecté (EC). J’ai connu l’espace connecté et les applications “Gafé” et “Mon Elu” en juillet 2020. J’ai aussitôt mobilisé les membres de mon réseau des innovateurs. Nous avons organisé une rencontre sur l’entrepreneuriat des jeunes au sein de l’espace connecté de Kayes. L’objectif était de partager nos expériences avec les jeunes pour les inciter à entreprendre. J’ai inscrit six personnes dont quatre filles en initiation à l’informatique (sur les logiciels Word, Excel, Powerpoint). J’ai aussi réalisé une séance de sensibilisation auprès de 60 femmes membres d’une tontine. Il s’agissait de partager mon expérience en utilisation du numérique dans ma vie d’entrepreneure. Je fréquente l’EC au moins trois fois par semaine. Nous tenons même certaines de nos réunions au sein de l’EC, ce qui nous permet de bénéficier de l’appui de l’animateur. 

J’encourage les femmes à fréquenter l’espace connecté et à se former sur les applications “Mon Elu” et “Gafé”. A travers ces applications, elles apprendront à exprimer leur point de vue sur les problèmes de paiement des impôts, d’assainissement de la ville, d’implication des femmes dans la gouvernance, de suivi des engagements des élus, etc. 

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Formation acteurs sur le rôle du numérique dans la prévention et la gestion des conflits.
(© Ousmane Makaveli)

“Gafé” est une application mobile, disponible sur Android, d’alphabétisation en français, soninké, bambara et peulh. Ces langues sont les plus parlées dans la région de Kayes. Elle est composée de vingt modules d’alphabétisation standard (lire, écrire et compter) et six modules d’alphabétisation fonctionnelle sur la gestion communale, le numérique et le développement local, le développement durable et le genre. Plus de 411 utilisateurs sont inscrits sur “Gafé”, on estime à 30% le pourcentage de femmes inscrites. 

Sur les 274 utilisateurs de l’application “Mon Elu”, 56 femmes participent activement aux débats. Malheureusement, les élus ne répondent pas toujours aux messages. Néanmoins, même si les élus ne répondent pas, ils savent maintenant qu’ils sont surveillés par les citoyen.nes. 

Avec le numérique les femmes prennent conscience petit à petit qu’elles sont une force, qu’elles peuvent initier et même participer au changement qu’elles souhaitent pour leur localité.

Comment inciter les femmes à s’intéresser au numérique ?

Mes enfants et moi fréquentons l’espace connecté assidûment et ma fille m’apprend désormais des fonctionnalités sur mon propre ordinateur, ce qui me rend très fière d’elle. 

Je pense qu’il faut multiplier les espaces connectés et aussi pérenniser les initiatives comme le programme d’inclusion des femmes dans la gouvernance locale.  

Aucun développement n’est possible sans les femmes, et chaque femme qui a accès au numérique est une femme qui participe au développement de sa localité car elle accède à l’information, et plus largement, à toutes les connaissances du monde.  

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1.  Etude diagnostic sur l’inclusion numérique en région de Kayes, Grdr - Tuwindi, mars 2019.